Fujiwara, on trouve ce nom dans plusieurs oeuvres (Fujiwara no Mokou pour Touhou, Fujiwara no Sai pour Hikaru no Go). C’est un nom historique. Le nom des Fujiwara se refère notamment à une période charnière de l’histoire nippone, qui correspondrait chez nous occidentaux à une Antiquité tardive. Le mot « Fujiwara », 藤原, signifie « l’enclos à glycines » (la glycine est une superbe plante grimpante).
La période Fujiwara (藤原時代) constitue une phase finale de la période antique . Le régime politique reste le même mais les codes tombent en désuétude .
I Une famille prometteuse et reconnue
Le clan des Fujiwara tire son origine de la famille Nakatomi qui avait aidé Yamato dans l’élimination des Soga . Le chef du clan, Kamotari, fait partie des réformateurs de 649 . L’Empereur lui décerna un kabane, titre octroyé en récompense (pouvant être personnel ou héritable) et donc les Nakatomi devinrent les Fujiwara .
Les Fujiwara se sont maintenus longtemps dans les hautes sphères du pouvoir.
Sous l’époque Nara, ils restent très proches du sommet de l’Etat, mais le pouvoir royal reste fort . Il y a une compétition entre les grandes familles de la cour : les F. n’exercent aucune hégémonie et n’ont pas souvent accès aux charges les plus hautes . Leur ascension s’amorce durant la période Heian .
En 794, la capitale fut déplacée à Kyoto pour échapper à l’influence des monastères de Nara . A partir du 9ème siècle, les F. vont essayer de monopoliser les postes lucratifs .Cette stratégie va être aidée par une dégénerescence du régime des codes : les échanges commerciaux restent insignifiants, le service militaire tombe en désuétude … . Le Tenno avait encore un rôle double : un chef d’Etat à la tête des institutions et un homme religieux (rôle cérémoniel), comme en Chine . Le rôle gouvernant des empereurs va s’affaiblir au profit de leurs rôles rituels : le Tenno doit influer sur la vie du pays tout en vivant dans une inquiétude perpétuelle (comme des directions à ne pas prendre dans le palais, certains jours), bref le protocole est paralysant .
II Conflits avec le pouvoir royal
Les F. vont commettre leur premier coup d’éclat en 842 lorsque Yoshifusa, leur chef de clan, a monté une révolution de palais en écartant l’héritier légitime du trône impérial et le remplace par son propre candidat, un enfant et le marie à sa propre fille . Yoshifusa devient le grand-père du futur empereur Seiwa . Il en profite pour accéder à des titres posthumes ou réservés à des princes du sang : ministre des affaires suprêmes (posthume) et régent (seissho, en principe un oncle de l’Empereur ou l’impératrice douairière) .
Son neveu, Mototsune, va faire plus fort : il est en but avec l’empereur Yosei, un sien cousin : il le fait déposer et impose à la cour son propre candidat, Uda et il se fait décerner le titre de kanpaku (grand chancelier) . Ce titre oblige tous les actes de l’empereur à passer entre ses mains : c’est lui qui dirige la cour . Il prend sa retraite pour devenir moine mais continue de tire les ficelles, prend le titre de Taiko, forme son successeur et meurt tranquille . Mais il y a un raté : Uda va refuser de nommer un nouveau kampaku .
L’une des tentatives de réaction du pouvoir royal sera menée par l’empereur Daigo, petit-fils d’un F., qui ambitionne de revitaliser le régime des codes . Seul un retour du pouvoir impérial fort permettra de barrer la route au clan F. . Il lance une compilation des codes (compilation des réglements de l’ère Engi) . Daigo va tenter de s’appuyer sur les fonctionnaires, notamment Sugawara no Michizane, grand lettré . Il avait été choisi pour mener une ambassade en Chine (894) mais craignant un mauvais coup, il refusa de partir . En 1899, il devient ministre de droite, à égalité avec le chef du clan F. (Tokihira ; ministre de gauche) . Les luttes politiquent se poursuivent à Heian : une intrigue est montée par le clan pour mettre en minorité Michizane . Ce dernier est limogé, i.e. envoyé en exil (901, à Kyushu) . La foudre va tomber sur le palais et les experts disent que c’est Michizane qui revient pour se venger de son sort injuste . Par conséquent, ils vont le diviniser en Teijin, protecteur des études (cf. en Février-Mars, les lycéens écrivant sur des tablettes accrochées au temple de Teijin pour réussir leurs examens) .
III Clientélisme et désorganisation de l’Etat nippon
Cette aventure révèle que l’ambition de Daigo a été chimérique : il n’y a pas eu de parti de lettrés . Les hautes fonctions étaient monopolisées par les aristocrates . Beaucoup de fonctionnaires sont entrés dans la clientèle des F. . Les autres clans ont été phagocytés : les F. marient leurs filles, les exilent en province ou les envoient dans des monastères . Après cette ultime tentative de restauration du pouvoir royal, les F. vont dominer la cour politiquement jusqu’au 11ème siècle . Le Tenno est le neveu ou le petit-fils voire le petit-neveu du chef de clan . Ce dernier devient chancelier à la majorité de l’empereur et il a la haute main sur les nominations . C’est ainsi que les Minamoto (Genji) et les Taira (Heije/Heiké) vont se retrouver dans des postes militaires . Les F. vont dénaturer le régime des codes à leur profit, en s’accaparant les terres du domaine public (usuellement un domaine viager) . Les propriétaires nomment sur place des régisseurs . Généralement, la moblesse est d’accord pour obtenir les charges prestigieuses de gouverneur de provine mais les gouverneurs ne partent pas . Ils délèguent leur autorité à un gouverneur en charge, le zuryo, qui reste sur place (10ème siècle) . Ses descendants héritent de la charge . La cour perd son contrôle sur les provinces ; l’appareil administratif est décuplé . On ne se soucie pas de la manière dont le zuryo va faire régner la loi et prélever les impôts . Mais les changements sociaux ne sont pas aperçus par les F. . Malgré cela, le régime des codes est officiellement aboli en 1868 (révolution Meiji) . Les guerriers vont essayer d’avoir un titre de noblesse pour obtenir une onction du pouvoir .
IV L’apogée de la culture japonaise ancienne
Une architecture proprement japonaise voit le jour : le shinden-zukuri . Les palais qui sont à Heian sont en forme de U, l’architecture est en bois et en papier, les portes coulissantes sont innovées … . On organise de grands banquets dans le jardin central . Alors que les jardins à Nara étaient conçu avec une esthétique terrienne, très chinoise (montagnes et lacs), les paysages deviennent maritimes avec des étangs, des ponts des iles . Dans son traité de la création des jardins (Sokateiki) , Tachibana no Toshitsune, décrit des iles de nuage, de légère brume … et accorde un rôle important aux pierres, pour bloquer la porte des démons) .
Et pour montrer son esprit, son sens de la répartie (indispensable pour séduire), l’on participe aux concours de poésie . D’ou une codification d’un type de poème, le waka, poème de 5 vers (alors qu’à l’époque de Nara, les formes dans le Manyoshita étaient libres i.e. de un vers à plusieurs strophes) qui joue sur le rythme et les images (des jeux de mots souvent complexes) . Le Kokinwakashu compile une partie de ces poèmes .
Kino Tsurayuki a écrit en japonais le Tosa nikki, ce qui fit scandale car à l’époque, les raffinés écrivaient en chinois) . Kino va adjoindre deux préfaces, en chinois et en japonais : la prose littéraire japonaise est née . Kino nous raconte que le spectacle de la nature nous révèle nos émotions .
C’est une époque littéraire brillante (Genji monogakari, Sei shonagon) . C’est une époque de contrastes . La pensée du mappo marque la fin de la splendeur des F. : le monde entre dans une phase de dégénérescence finale où le monde va disparaître finalement (pensée indienne) . De savants calculs monastiques prédisent l’arriver du mappo au 11ème siècle : BouddhaAmida sauvera-t-il l’âme de Fujiwarano Michinaga ? (il est mort en tenant jusqu’à la fin des cordelettes le reliant à Amida !) . Les figures infernales (jigoku-e) fleurissent et des écrits tels l’Ojoyoshu montrent l’inquiétude grandissant de la société . C’est de cette manière que certains voient les guerriers, qui vont faire irruption sur la scène politique : l’époque des shoguns et des samourai arrive.